Trouverez vous cela étonnant, si je vous dis qu'en me regardant dans un miroir je ne me suis jamais dis : "Tu es quelqu'un de bien" ? Cette phrase est pourtant tellement anodine... Et sans doute un peu hypocrite. Qui est vraiment quelqu'un de bien sur cette Terre ? Ne vous sentez vous pas coupable quand vous écraser un insecte ? Est-ce qu'on peut voir cela comme un assassinat ? Mais je m'égare... Il nous ai tous déjà arrivé de faire quelque chose de mal. Parce qu'au fond nous avons tous une part de bien et de mal. Et certains vivent dans l'impression d'être une personne bienveillante. Moi, je garde la tête froide. Le reflet que je vois dans le miroir n'a rien de bien. Je le vois bien, je ne me fais pas d'illusion.

Cet homme qui s'affiche devant moi, un mètre quatre-vingt, cheveux châtains, yeux à mi chemin entre le bleu et le vert, léger sourire arrogant sur les lèvres, une main comme toujours enfoncée dans la poche de son pantalon mais surtout au regard défiant, ne peut être un homme bien. C'est un type qui ment à ses parents, à son entourage, qui condamne des prisonniers qu'il sait innocent juste pour pouvoir gagner le procès, qui séduit des filles attentionnées pour les dégrader, et qui malgré tout cela, ne ressent aucun remord à se sourire devant le miroir. Ce menteur s'appelle Joshua Nightray, et si je dis que c'est un menteur c'est sans doute parce qu'il fait croire à sa famille qu'il a un petit ami alors que c'est totalement faux. Il est même plutôt surpris que tout le monde soit tombé dans le panneau. Excédé par les remarques de ses parents et de ses amis, qui lui reprochaient d'être seul, sans femme ni enfant, dans cette ville plutôt basée sur ce genre de relation, il avait d'abord préféré se taire. Mais lors d'une soirée un peu trop arrosée, il avait inventé avoir un petit ami absolument parfait et adorable. Lorsque l'assistance avait demandé son nom, il avait répondu le premier prénom qui lui était passé par la tête, entre autre celui de son prostitué favori : Armani. Etait-il utile de dire que c'était totalement débile et que Joshua avait du dire adieu à sa fierté pour aller trouver le prostitué dans une ruelle sombre et lui donner une liasse importante de billets verts pour arriver à lui faire faire jouer la comédie ?

Pourtant, Joshua, ce fameux homme n'a pas vraiment à se plaindre de sa famille. Quoiqu'un peu bornée, elle fut aimante, malgré un banquier de père quelque peu absent. Joshua passa son enfance dans un manoir magnifique. Il quitta Londres lors de ses douze ans, suivi par toute sa famille pour venir s'installer ici. Une fois sa majorité acquise, son père lui acheta en guise de cadeau de départ une villa grandiose qu'il partage aujourd'hui avec ses trois chats : Casper, Léon et Toulouse. Une vie de rêve n'est-ce pas ? Pourtant l'homme du le miroir n'est jamais satisfait. Brillant avocat, il se sait parfaitement compétent, et ne perd pas un seul de ses affaires, du moins jamais involontairement. C'est un homme qui n'a aucun scrupule, qui rabâche sans arrêt des lois apprises par coeur, et qui est le premier à la violer. Il fume, se drogue parfois, quoique très peu, n'hésite pas une seule seconde à trainer dans les endroits mal famés. C'est d'ailleurs là qu'il a rencontré le fameux Armani. Enfin, je m'égare encore.

Joshua n'est pas vraiment un homme de bien, mais là encore au risque de me répéter, je rappelle qu'il le sait. Et pourtant cela ne l'empêche pas d'avoir un petit coté narcissique affirmé, qu'il n'hésite pas à mettre en avant. Et lorsque je le fixe dans le miroir, je ne peux m'empêcher de le trouver terriblement intriguant. Qu'est ce qu'il peut bien se passer dans sa tête pour qu'il n'éprouve aucun regret ? J'avoue que même moi n'en ai aucune idée. Certains sentiments ordinaires lui sont totalement inconnus, tout comme l'amour. Et c'est bien dommage. Car aimer quelqu'un d'autre que lui même ne pourrait guère lui faire de mal.
        
« Sexy. » Lâchais en adressant un clin d'oeil à mon reflet, ce fameux type. Je me tournais vers Armani. « Allez viens Armani, mes parents nous attendent à la fête. » Mes yeux quittèrent la glace alors que j'attrapais le bras de mon "petit ami", quittant l'appartement sans aucun remord... Comme d'habitude.