J'avais toujours remarqué que mes parents s'occupaient plus de Charley que de moi. Il paraissait parfait à leurs yeux, il était le meilleur à l'école, il était toujours derrière leurs bottes à exécuter le moindre de leurs ordres. Et moi, j'étais le jumeau non désiré. Celui qui était trop effémine. Moins beau que l'autre. Nous étions des faux-jumeaux, et mis à part nos yeux bleus et nos cheveux bruns, on ne se ressemblait pas tellement. On était aussi grands l'un que l'autre, mais il était plus aimé, plus parfait. Contrairement à moi. Un jour, mon père me fit monter dans une voiture. J'avais douze ans, et il conduisit assez longtemps. La neige tombait à flot, nous étions bientôt Noël. Au détour d'une ruelle, après un long moment de route, il me dit de descendre de la voiture, puis remonta à l'intérieur et démarra en me laissant seul, dans le froid, uniquement couvert d'un manteau et d'un jean, d'un bonnet, d'une écharpe et une paire de mitaines. J'attendis là toute la nuit, blottit contre une porte, que mon père revienne me chercher, croyant à une mauvaise blague de sa part. Mais non. Alors le lendemain, après cette nuit affreuse, je tentais de retrouver ma maison. Après des heures de marches, je découvris qu'ils étaient partis. Ils m'avaient quittés, même mon jumeau. La maison était vide de présence, ma chambre cassée en tout points. J'étais plus seul que jamais.

Les débuts dans la rue furent durs. J'avais essayer les parcs, mais j'étais trop peureux pour aller frapper chez les gens. Alors j'errais dans la rue, jusqu'à ce que je le rencontre. J'étais assis sur un banc ce jour là, quand une caresse vint effleurer ma joue. J'avais sursauté et vite relevé mes yeux bleus emplis d'innocence vers ce visage adulte qui me fixais, de ses yeux chocolat, un regard un peu sévère, mais qui s'adoucit aussitôt. « Et si tu venais avec moi, mon chou ? Tu dois avoir froid. Viens, je vais te réchauffer chez moi. » Docilement, je le suivis, sans aucun doute. J'étais jeune, j'avais froid et faim. Et j'avais besoin d'un foyer. Il me proposait tout cela, mais à quel prix, je ne l'appris que quelques semaines après. C'était un soir, je me reposais près de la cheminée lorsqu'il me souleva de ses bras musclés et alla m'allonger dans son lit. Habituellement, je dormais dans une petite chambre, mais pas ce soir, non. A la place, il m'attacha au lit et me déshabilla doucement. J'étais anxieux, je n'avais que douze ans après tout. J'essayais de me débattre et de crier, mais ce qui devais arriver arriva. Ce fut là le début de mon calvaire. Il attendit que j'ai quatorze ans pour commencer à me vendre. Au début dans la maison, puis petit à petit il me laissait aller dans la rue. Je devais rentrer à la maison, lui donner l'argent, et si il n'y avait pas le compte j'étais sévèrement puni.

Heureusement, où peut-être malheureusement, aux alentours de mes seize ans, un fatal accident coûta à la mort à l'homme qui m'avait utilisé pendant ces quelques années. J'étais libre, mais seul. A la rue, désespéré. Rapidement, je repris ce travail pour avoir de quoi vivre. Ce fut d'ailleurs cette année là que je rencontrais un ami qui me devint fidèle, tatoueur, et qui m'aidait quand j'étais vraiment désespéré. Je lui devais bien sûr quelques séances privées, mais il me fit la plupart de mes tatouages pour rien du tout. Heureusement. Je lui devais beaucoup, d'ailleurs. Petit à petit, je commençais mon travail à la rue. Au fil du temps, de l'argent gagné, je réussis à avoir une chambre de bonne au pied d'un immeuble délabré. Je le meublais comme je le pu, avec un vieux matelas et quelques objets personnels. Et c'est désormais ici que j'accueille mes clients, sauf quand ils veulent un peu plus que ça. Depuis peu seulement, je vis chez un de mes clients. Il m'a embauché pour être son faux petit ami, que je fasse semblant devant ses amis. Ce luxe ne me convient pas vraiment, mais je respecte le contrat, et le soir après avoir terminé avec lui, je retourne dans la rue, pour ne pas cesser mon métier. Personne ne me le permettrait.